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Débiteurs en difficulté : dispositif d’application de la procédure de traitement de sortie de crise

Affaires - Commercial
08/11/2021
Pris pour l’application de l’article 13 de la loi n° 2021-689 du 31 mai 2021 instituant une procédure de traitement de sortie de crise, deux décrets du 16 octobre 2021 précisent les modalités d’application de cette procédure temporaire visant au règlement rapide des difficultés financières rencontrées par les entreprises du fait de la crise sanitaire : seuils en deçà desquels la procédure peut être ouverte,  mesures d’adaptation des dispositions réglementaires du livre VI du code de commerce, aménagement des voies de recours… Ces dispositions s’appliqueront jusqu’au 1er juin 2023.



 
La loi n° 2021-689 du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire a instauré, dans son article 13, "une procédure de traitement de sortie de crise ouverte sur demande d'un débiteur mentionné à l'article L. 620-2 du code de commerce qui, étant en cessation des paiements, dispose cependant des fonds disponibles pour payer ses créances salariales et justifie être en mesure, dans les délais prévus au présent article, d'élaborer un projet de plan tendant à assurer la pérennité de l’entreprise" (art. 13, I, A).
 
Les conditions d’éligibilité à cette procédure temporaire ainsi que les modalités de son déroulement sont désormais connues ; entrées en vigueur le 18 octobre 2021, ces dispositions sont applicables jusqu’au 1er juin 2023.
 
On notera que sont reprises des dispositions issues de l’ordonnance n° 2020-596 du 20 mai 2020 portant adaptation des règles relatives aux difficultés des entreprises et des exploitations agricoles aux conséquences de l’épidémie de covid-19.
 
I. Débiteurs concernés : conditions de seuils (D. n° 2021-1355, art. 1 à 3)
 
La procédure de traitement de sortie de crise est ouverte au débiteur, personne physique ou morale :
— dont le nombre de salariés qu’il emploie à la date de la demande d’ouverture de la procédure est inférieur à vingt ;
— et dont le bilan est inférieur à 3 000 000 euros de total du passif hors capitaux propres, le bilan s’appréciant à la date de clôture du dernier exercice comptable.
 
Ces deux critères sont cumulatifs.
 
II. Ouverture de la procédure (D. n° 2021-1354, art. 1 à 4)
 
a) Demande d’ouverture (art. 1)
 
La demande est déposée, au greffe du tribunal compétent, par le représentant légal de la personne morale ou par le débiteur personne physique. Elle précise si l’intéressé s’engage à établir lui-même l’inventaire de son patrimoine et des garanties qui le grèvent ainsi que le délai nécessaire à cette fin, ou s’il demande à en être dispensé, ou s’il demande au tribunal la désignation d’un officier public ou d’un courtier de marchandises assermenté pour dresser l’inventaire à sa place.

Si le débiteur ne remplit pas les conditions ci-après, requises pour l’ouverture de la procédure, sa demande sera rejetée.
 
b) Pièces à joindre (art. 1)
 
Les pièces à joindre à la demande sont au nombre de quatorze. On citera, notamment :
 
— l’état du passif exigible et de l’actif disponible ainsi qu’une déclaration de cessation des paiements (1°) ;
 
— une situation de trésorerie (3°) ;
 
— un compte de résultat prévisionnel (4°) ;
 
— le nombre des salariés employés à la date de la demande et le total du bilan ainsi que le montant du chiffre d’affaires appréciés à la date de clôture du dernier exercice comptable (5°) ;
 
— la justification du paiement des créances salariales échues et l’état chiffré des créances salariales à échoir. À défaut, le débiteur pourra attester sur l’honneur être à jour de ses obligations envers ses salariés (6°) ;
 
— l’état chiffré des créances et des dettes ainsi que le montant total des sommes à payer et à recouvrer au cours d’une période de trente jours à compter de la demande (7°) ;
 
— l’état actif et passif des sûretés ainsi que celui des engagements hors bilan (8°) ;
 
— une attestation sur l’honneur certifiant l’absence de mandat ad hoc ou de procédure de conciliation dans les dix-huit mois précédant la date de la demande ou, dans le cas contraire, mentionnant la date de la désignation du mandataire ad hoc ou de l’ouverture de la procédure de conciliation (12°).
 
À noter : le décret précise que, lorsque la demande d’ouverture de la procédure de traitement de sortie de crise a été faite alors que le débiteur était engagé dans une procédure de conciliation (mais pas de mandat ad hoc), le tribunal statue sur l’ouverture de la procédure après un rapport du conciliateur sur la situation comptable, économique et financière du débiteur (art. 3).
 
c) Qualité des comptes du débiteur (art. 2)
 
Les comptes annuels du dernier exercice sont également joints à la demande, ceux-ci devant, conformément à l’article 13, I,  A, de la loi du 31 mai 2021, apparaître, "réguliers, sincères et aptes à donner une image fidèle de la situation financière de l’entreprise".
 
Ainsi, lorsque les comptes du débiteur n’ont pas été certifiés par un commissaire aux comptes ou établis par un expert-comptable, le tribunal peut désigner un administrateur judiciaire, un mandataire judiciaire, un expert, un commissaire aux comptes ou un expert-comptable afin d’assister le juge.
 
Cette mission portant sur le contrôle de la condition de qualité des comptes du débiteur ne peut excéder un mois.
 
À noter : la mission d’expertise peut également porter sur le respect des obligations relatives aux créances salariales.
 
III. Déroulement de la procédure (D. n° 2021-1354, art. 5 à 24)
 
La date d’audience est fixée dans le jugement qui ouvre la procédure.
 
En application de l’article 13, I, B, de la loi du 31 mai 2021, le tribunal désigne un mandataire. Celui-ci exerce les fonctions prévues aux articles L. 622-1, à l'exception de toute mission d’assistance, et L. 622-20 du code de commerce.
 
a) Liste des créanciers et des créances

Dans les dix jours du jugement d’ouverture, le débiteur doit déposer au greffe la liste des créances de chaque créancier identifié dans ses documents comptables ou avec lequel il est lié par un engagement dont il peut justifier l’existence, ainsi que le précise l’article 13, II, B, de la loi du 31 mai 2021. Cette liste comporte, outre les indications prévues aux deux premiers alinéas de l'article L. 622-25 du code de commerce, les modalités de calcul des intérêts dont le cours n’est pas arrêté (art. 6, al. 1).
 
Le mandataire de la procédure vérifie la conformité de la liste ainsi établie par le débiteur aux documents comptables de l’entreprise (art. 6, al. 2). Les informations portées sur cette liste seront seules prises en considération dans le cas où elles seraient différentes de celles figurant sur la liste ayant permis au tribunal d’ouvrir la procédure (cf. art. 1, point 7° ci-dessus).
 
Dans les huit jours suivant la remise de la liste par le greffier, le mandataire désigné communique à chaque créancier concerné (LRAR) les informations relatives aux créances dont il est titulaire telles qu’elles résultent de la liste. Les créanciers pourront faire connaître au mandataire leur demande d'actualisation des créances mentionnées ou toute contestation sur le montant et l'existence de ces créances soit dans le délai de un mois à compter de la publication au BODACC du jugement d’ouverture de la procédure, soit, si elle est postérieure, de la date de la communication des créances par le mandataire (art. 7).
 
Lorsqu’une créance n’a pas été mentionnée sur la liste, le mandataire désigné informe le créancier, si celui-ci peut être identifié (art. 8, al. 2). Lorsqu’une ou plusieurs créances omises sont de nature à remettre en cause la qualité des comptes de l’entreprise ou à compromettre l’exécution du plan de traitement de sortie de crise, le mandataire en informe sans délai le juge-commissaire » (art. 8, al. 3).
 
La liste des créances établie par le mandataire est transmise au commissaire à l’exécution du plan. Les créances qui auront été rejetées de cette liste par le juge-commissaire ne peuvent se voir imposer les délais mentionnés à l’article L. 626-18, alinéa 4, du code de commerce lorsqu’elles n’ont pas été mentionnées sur la liste prévue par l’article 13, II, B, de la loi du 31 mai 2021 (art. 10).

b) Consultation des créanciers
 
Le délai de consultation des créanciers sur le plan par le mandataire désigné est, en application de l’article L. 626-5 du code de commerce, de trente jours : en cas de consultation par écrit, le défaut de réponse dans ce délai, à compter de la réception de la lettre du mandataire, vaut acceptation. Toutefois, le délai peut être réduit à quinze jours par le juge-commissaire (art. 26, II).
 
Les modalités de consultation par le mandataire sont celles prévues par les dispositions de l’article R. 626-7 du code de commerce.

À noter : en ce qui concerne le règlement des créances publiques, les dispositions réglementaires prévues pour leur règlement sont applicables à la procédure de traitement de sortie de crise. Toutefois, la saisine de la commission réunissant les chefs des services financiers et les représentants des organismes et institutions intéressés (cf. C. com., art. D. 626-14) est faite par le mandataire désigné. Cette commission dispose d’un délai maximal de deux mois pour rendre sa décision, sauf décision implicite de rejet.

c) Arrêté du plan / Ouverture d’une procédure collective

Selon l’article 13, I, D, de la loi du 31 mai 2021, le jugement ouvre une période d'observation d'une durée maximale de trois mois. Au terme de cette période, le tribunal peut statuer sur le projet de plan.
 
Il arrête le plan dans les conditions prévues au chapitre VI du titre II du livre VI du code de commerce, sous réserve des dispositions incompatibles avec celles de l’article 13, IV, A, de la loi du 31 mai 2021 et du décret n° 2021-1354. On rappellera que le plan ne peut comporter de dispositions relatives à l'emploi que le débiteur ne pourrait financer immédiatement.
 
À défaut de plan arrêté dans le délai de trois mois, le débiteur, le mandataire ou le ministère public peut, en application de la loi du 31 mai 2021 (art. 13, IV, D), saisir le tribunal aux fins d’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire si les conditions en sont réunies. Le jugement ouvrant la procédure collective met fin à la procédure de traitement de sortie de crise ; il sera notifié au débiteur dans les huit jours de son prononcé, ou lui sera signifié dans le même délai s’il n’est pas le demandeur. Le mandataire désigné dépose sans délai un compte rendu de fin de mission (art. 12).
 
À noter : lorsque le plan de sortie de crise est toujours en cours à l’expiration d’un délai de un an à compter de son arrêté, les mentions relatives à la procédure de traitement de sortie de crise sont radiées d’office du registre du commerce et des sociétés. Cette radiation fait obstacle à toute nouvelle mention intéressant l’exécution du plan de traitement de sortie de crise, sauf si celle-ci est relative à une mesure d’inaliénabilité décidée par le tribunal ou à une décision prononçant la résolution du plan (art. 23 et 24).

IV. Voies de recours (D. n° 2021-1354, art. 27 à 33)

Les jugements et ordonnances rendus en matière de procédure de traitement de sortie de crise sont exécutoires de plein droit à titre provisoire. Par dérogation aux dispositions de l’article 514-3 du code de procédure civile, le premier président de la cour d’appel, statuant en référé, ne peut arrêter l’exécution provisoire que lorsque les moyens à l’appui de l’appel paraissent sérieux (art. 27).
 
L’opposition et la tierce oppositions sont formées par déclaration au greffe dans le délai de dix jours à compter du prononcé de la décision ou du jour de la publication de son insertion au BODACC ou dans un support d’annonces légales (art. 28).
 
Le délai d’appel des parties est de dix jours à compter de la notification qui leur est faite de la décision rendue. Le mandataire de justice qui n’est pas appelant doit être intimé (art. 29 à 33).
 
V. Frais de procédure et émoluments du mandataire désigné (D. n° 2021-1354, art. 34 à 42)
 
Les différents émoluments alloués au mandataire désigné pour les diligences relatives au diagnostic, au titre de sa mission de surveillance du débiteur ainsi que pour l’élaboration du bilan économique, social et environnemental et l’assistance apportée au débiteur pour la préparation d’un plan de traitement de sortie de crise sont fixés par arrêté ministériel. Ces rémunérations sont acquises lorsque le tribunal a statué sur le plan ou mis fin à la procédure. Les modalités de fixation de la rémunération lorsqu’est ouverte une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire sont par ailleurs précisées.
 
Le décret prévoit également la rémunération du commissaire à l’exécution du plan pour ses différentes interventions.

À noter : dans ses dispositions finales, le décret n° 2021-1354 supprime les références au comité d’entreprise et aux délégués du personnel subsistant dans la partie réglementaire du code de commerce (art. 43).
Source : Actualités du droit