<< Retour aux articles
Image

Loi Marché du travail : focus sur les mesures impactant l’assurance chômage et l’emploi

Social - Formation, emploi et restructurations
04/01/2023
Assurance chômage, réforme de la VAE, contrat de professionnalisation, déplafonnement de la durée des missions en CDI intérimaire, CDD et contrat de mission de remplacement, ratification de 20 ordonnances prises entre 2020 et 2022 dans le cadre de la crise sanitaire, sans oublier la mise en conformité du Code du travail avec la décision du Conseil constitutionnel sur l'électorat des salariés qui représentent l'employeur : telles sont les principales mesures de la loi Marché du travail, publiée au Journal officiel du 22 décembre.
Assurance chômage
  • Réforme de 2019
Par dérogation aux dispositions du Code du travail, les dispositions d’application du régime d’assurance chômage peuvent être fixées par décret en Conseil d’État depuis le 1er novembre 2022, date à laquelle les règles actuelles devaient arriver à échéance, prévoit la loi Marché du travail. Celles-ci seront applicables jusqu’à une date qui sera fixée par décret, et au plus tard jusqu’au 31 décembre 2023.

Un premier décret du 29 octobre 2022 a prolongé à l’identique jusqu’au 31 janvier 2023 les règles d’assurance chômage qui expiraient le 1er novembre (voir Réforme de l’assurance chômage : prorogation temporaire des règles, Actualités du droit, 2 nov. 2022).

Un second décret en Conseil d’État, pris en application cette fois-ci de la loi Marché du travail, prendra le relais pour fixer les règles jusqu’à la fin de l’année 2023, en intégrant un dispositif de modulation de la durée d’indemnisation tenant compte d'indicateurs conjoncturels sur l'emploi et le fonctionnement du marché du travail. Cette possibilité de modulation est directement prévue par la loi.
 
  • Prolongation des dispositions relatives au bonus-malus
Entrées en vigueur le 1er septembre dernier, les mesures d’application du bonus-malus sur la contribution patronale d’assurance chômage pourront, quant à elles, être prolongées jusqu’au 31 août 2024 par le décret en Conseil d’État précité. Actuellement, elles sont applicables jusqu’au 31 janvier 2023, suite à la publication du décret du 29 octobre 2022 (voir Réforme de l’assurance chômage : prorogation temporaire des règles, Actualités du droit, 2 nov. 2022).

Ce décret précisera notamment les périodes de mise en œuvre de la modulation du taux de contribution des employeurs concernés ainsi que les périodes au cours desquelles est constaté le nombre de fins de contrat de travail et de contrat de mise à disposition pris en compte pour le calcul du taux modulé.
  • Présomption de démission en cas d’abandon de poste
La loi instaure une présomption simple de démission en cas d’abandon de poste dont les modalités de mise en œuvre seront déterminées par décret. Dans cette situation l’employeur pourra, par lettre recommandée ou lettre remis en main propre contre décharge, mettre en demeure le salarié de justifier son absence et reprendre le travail. S’il ne retourne pas au travail dans le délai fixé par l’employeur, le salarié sera présumé démissionnaire. Il pourra contester la rupture de son contrat de travail auprès du conseil de prud’hommes. L’affaire sera alors portée devant le bureau de jugement qui se prononce sur la nature de la rupture et ses conséquences dans le délai d’un mois.
 
  • Suppression de l’assurance chômage en cas de refus de deux CDI
Lorsqu’un salarié, au cours des 12 mois précédents, aura reçu au moins deux propositions de CDI à l’issue d’un CDD ou d’un contrat d’intérim pour le même emploi ou un emploi similaire, le bénéfice de l’assurance chômage ne pourra lui être ouvert que s'il a été employé dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée au cours de la même période.

Toutefois, cette mesure ne s’appliquera pas lorsque la dernière proposition adressée au demandeur d’emploi n’est pas conforme aux critères prévus par le projet personnalisé d’accès à l’emploi (PPAE) si ce projet a été élaboré avant la date du dernier refus pris en compte.

Un décret en Conseil d’État doit fixer les modalités d’application de ces dispositions.
 
  • Gouvernance de l’assurance chômage
Selon la loi, le Gouvernement engagera une concertation avec les organisations syndicales de salariés et d'employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel sur la gouvernance de l'assurance chômage, suivie le cas échéant d'une négociation. Cette concertation s’appuiera sur un document d'orientation invitant les partenaires sociaux à négocier « notamment sur les conditions de l'équilibre financier du régime et sur l'opportunité de maintenir le document de cadrage ».
 
  • Rapports en matière d’offre d’emploi
La loi prévoit la remise de deux rapports en matière d’offre d’emploi.

Tout d’abord dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi Marché du travail, Pôle emploi remettra au Parlement un rapport portant sur l'application des dispositions relatives à l'offre raisonnable d'emploi et sur les évolutions constatées depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

Puis dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la loi, le Gouvernement remettra au Parlement un rapport portant sur le caractère conforme des offres d’emploi diffusées par Pôle emploi.

Emploi
  • Création d’un service public de la VAE
Le service public de la validation des acquis de l'expérience, géré par un groupement d’intérêt public, a pour mission d'orienter et d'accompagner toute personne demandant la validation des acquis de son expérience et justifiant d'une activité en rapport direct avec le contenu de la certification visée.

Cette création s’accompagne d’une réforme du dispositif.

Désormais, les candidats n’auront plus à justifier d’une durée d’expérience minimum pour être éligibles, ni d’activité de nature spécifique. Un accompagnement sera proposé au candidat dès la constitution du dossier d’admissibilité (et non plus une fois l’admissibilité acquise). Le congé VAE pourra durer jusqu’à 48 heures. La VAE pourra être financée par l’employeur, un Opco, Pôle emploi, dans le cadre du CPF, ou dorénavant par une Transition Pro.
 
  • Contrat de professionnalisation
À titre expérimental, afin de favoriser l'accès à la certification et à l'insertion professionnelle dans les secteurs rencontrant des difficultés particulières de recrutement, pour une durée de trois ans à compter d'une date fixée par décret, et au plus tard le 1er mars 2023, les contrats de professionnalisation conclus par les employeurs de droit privé peuvent comporter des actions en vue de la validation des acquis de l'expérience.

Pour la mise en œuvre de cette expérimentation, il peut être dérogé aux articles L. 6314-1, L. 6325-1, L. 6325-2, L. 6325-11, L. 6325-13 et L. 6332-14 du Code du travail.

Les conditions de mise en œuvre de cette expérimentation, notamment les qualifications ou blocs de certifications professionnelles pouvant être obtenus par la validation des acquis de l'expérience, sont déterminées par décret.

Au plus tard six mois avant son terme, le Gouvernement remettra au Parlement un rapport d'évaluation de cette expérimentation.
 
  • Déplafonnement de la durée des missions en CDI intérimaire
La loi supprime la durée maximale des missions d’intérim réalisées dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée intérimaire. Jusqu’à maintenant, cette durée était limitée à 36 mois, contre 18 mois dans le cadre des missions liées à un contrat de travail temporaire de droit commun.
 
  • CDD et contrat de mission de remplacement
Dans des secteurs définis par décret, les entreprises pourront conclure un seul CDD ou un seul contrat de mission pour remplacer plusieurs salariés absents, soit simultanément soit successivement. Cette expérimentation doit être menée pendant deux ans à compter de la parution du décret définissant les secteurs concernés.
 
Électorat et éligibilité des salariés qui représentent l’employeur
La loi portant mesures d'urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi du 21 décembre 2022 modifie également les règles relatives à l’électorat en matière d’élection du CSE. Pour mémoire, la Cour de cassation a déduit de manière constante de l’article L. 2314-18 du Code du travail fixant les conditions que doit remplir un salarié pour voter aux élections du CSE, que ceux qui, soit disposaient d'une délégation écrite particulière d'autorité leur permettant d'être assimilés au chef d'entreprise, soit représentaient effectivement ce dernier devant les institutions représentatives du personnel, devaient être exclus du corps électoral (Cass. soc., 16 déc. 2020, n° 19-20.587 ; Cass. soc., 31 mars 2021, n° 19-25.233). Saisi de la question, le Conseil constitutionnel s'est prononcé dans une décision du 19 novembre 2021 déclarant l'article L. 2314-18 du Code du travail tel qu’interprété par la Haute juridiction judicaire, contraire à la Constitution : « en privant des salariés de toute possibilité de participer en qualité d'électeur à l'élection du comité social et économique, au seul motif qu'ils disposent d'une telle délégation ou d'un tel pouvoir de représentation, ces dispositions portent une atteinte manifestement disproportionnée au principe de participation des travailleurs » (Cons. const. Déc. n° 2021-947, 19 nov. 2021, QPC). Le Conseil avait reporté au 31 octobre 2022 la date d’application de sa décision donnant un an au législateur pour se mettre en conformité sauf qu'au 1er novembre, aucune loi n'était intervenue, créant une situation d'insécurité.
La loi du 21 décembre 2022 est donc venue modifier le Code du travail à cet effet. En ce sens, les dispositions de l'article L. 2314-18 sont rétablies et doivent désormais être lues sans tenir compte de l'interprétation de la Cour de cassation, afin que les personnes pouvant être assimilées au chef d'entreprise ne soient pas exclues du corps électoral, sous réserve de remplir les conditions d'âge, d'ancienneté et de jouissance de leurs droits civiques. En revanche, les dispositions de l'article L. 2314-19 du Code du travail ont été complétées afin d'affirmer le principe selon lequel « les salariés qui disposent d'une délégation écrite particulière d'autorité leur permettant d'être assimilés au chef d'entreprise ou qui le représentent effectivement devant le comité social et économique » ne sont pas éligibles aux mandats de représentants du personnel (L. n° 2022-1598, 21 déc. 2022, JO 22 déc., art. 8). Conformément au III de l’article 8 de cette loi du 21 décembre 2022, ces dispositions sont applicables depuis le 31 octobre 2022. Les élections qui se seraient tenues entre le 31 octobre 2022 et la publication de la loi en écartant les salariés représentant l’employeur de l’électorat pourraient faire l’objet d’une demande d’annulation sur la base de la décision du Conseil constitutionnel.
Source : Actualités du droit